Les Maliens sont appelés aux urnes, ce dimanche 18 juin, pour approuver ou non une nouvelle Constitution soumise par les militaires au pouvoir à un référendum. À Dakar, les bureaux de vote sont ouverts à 8h00 à l’ambassade. Mais quelques dysfonctionnements notés empêchent certains de remplir leur devoir.
Devant les affiches pour chercher son nom, Fatoumata déclare : « Je n’ai pas pu voter. On m’a dit que mon nom ne figure pas sur la liste ni celui de mon mari. Alors que mon mari vit ici depuis plus de 40 ans. On n’était pas au courant de l’inscription sur les listes électorales. On avait entendu que où que tu puisses être, si tu as une carte consulaire, une pièce d’identité ou un permis de conduire, tu peux voter », explique la dame au teint clair, visiblement déçue.
C’est le même cas pour Keïta. Dans son mètre quatre vingt-dix, il soutient avoir déjà voté à l’ambassade par le passe mais, cette fois, c’est impossible. « On nous demande de regarder les listes. Si ton ne figure pas, tu ne peux pas voter. Est-ce que ça doit se passer comme ça ? Avant c’était pas comme ça. Tu viens avec la pièce d’identité et tu votes. C’est pas bon. Il y a beaucoup de personnes qui ne pourront pas identifier leurs noms ici. Je pense qu’ils ne veulent pas qu’il ait un vote », dénonce-t-il.
Il est vrai que beaucoup de Maliens sont retournés chez eux aujourd’hui sans pouvoir voter. Mais d’autres à l’image de Mody Seck, ont pu accomplir leur devoir civique. « Les organismes qui s’occupent du vote ont facilité la tâche. Celui qui a un numéro du Mali, peut envoyer son numéro de carte d’électeur aux numéros verts. On lui indique son bureau. C’est mieux de faire ça avant de se déplacer, conseille-t-il, après son vote.
Les responsables de l’organisation des élections promettent de garder le contact avec les agents électoraux pour trouver une solution aux dysfonctionnements. « On a créé des groupes WhatsApp. J’ai eu des informations selon lesquelles tous les bureaux de vote ont ouvert à 8h00. Il y a quelques difficultés, mais nous sommes en train de régler cela », soutient Charles Dembélé.
Dans la juridiction du Sénégal, 56 bureaux de votes sont ouverts dont 35 à Dakar. Le nombre de Maliens inscrit sur les listes électorales est estimé entre 20 et 25.000 électeurs, selon M. Dembélé.
Les points clefs du référendum
Pouvoirs du président renforcés
Moins de 9 mois avant le terme annoncé, de fortes incertitudes subsistent, notamment sur la place qu’occuperont l’actuel numéro un, le colonel Assimi Goïta, et les militaires dans le Mali de demain. Une chose est sûre, la nouvelle constitution renforce les pouvoirs du président.
Ce dernier “détermine la politique de la Nation” alors que dans l’actuelle Constitution, datant de 1992, c’est le gouvernement qui le fait. Il nomme le Premier ministre et les ministres et met fin à leurs fonctions. “Le gouvernement est responsable devant le président”, et non plus devant l’Assemblée.
Le président peut être destitué par le Parlement pour “haute trahison”. “On passe d’un régime semi-présidentiel à présidentiel”, explique Brema Ely Dicko, chercheur à l’université de Bamako. Le président est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois.
Amnistie pour les coups d’État
Le Mali a été le théâtre de trois coups d’État depuis 1991 et cinq depuis l’indépendance. “Tout coup d’État est un crime imprescriptible”, dit le projet. Mais selon l’article 188, “les faits antérieurs à la promulgation (de la nouvelle Constitution) couverts par des lois d’amnistie ne peuvent, en aucun cas, faire l’objet de poursuite”.
Les détracteurs de la junte y voient une assurance sur l’avenir pour les colonels qui ont pris le pouvoir par la force en 2020.
Armée renforcée
Le Mali est confronté depuis 2012 au jihadisme et aux violences de toutes sortes. “L’État veille à ce que les Forces armées et de sécurité disposent, en permanence, (des) capacités” nécessaires à leurs missions, dit le projet.
Réforme des institutions
Un Sénat est créé, en plus de l’Assemblée nationale existante, ainsi qu’une Cour des comptes, chargée du contrôle des finances publiques. Députés et sénateurs seront obligés de transmettre une déclaration de biens qui sera actualisée chaque année.
Reconnaissance des autorités traditionnelles
Ces autorités jouent un rôle éminent dans la société. Elle sont les “gardiennes des valeurs”, dit le projet de Constitution. Une partie des membres du Sénat en sera issue. Elles pourront participer au règlement de certains litiges, dans les conditions fixées par la loi.
La souveraineté au cœur du projet
La multitude des langues traditionnelles employées au Mali deviennent langues officielles. Le français, langue de l’ancienne puissance dominante avec laquelle la junte a quasiment rompu les ponts pour se tourner vers la Russie, est rétrogradé en langue de travail.
La Constitution prévoit que l’exploitation des richesses naturelles “doit être assurée dans le respect des règles de protection de l’environnement et dans l’intérêt des générations présentes et futures”. Le Mali est producteur d’or.
“Le Mali est une République indépendante, souveraine, unitaire, indivisible, démocratique, laïque et sociale”, revendique le texte. “Tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs”.
La Constitution garantit le respect des droits humains, la liberté de pensée, de culte, d’expression, la liberté syndicale, le droit de grève, le droit de tous à un procès équitable.